Jean-Guy Python lance un gros pavé sur la mer

Suisse en Mer

Le photographe valdo-fribourgeois a ressorti 260 photos pour confectionner, avec la collaboration de trois coauteurs romands, un livre de 240 pages consacrés à 14 marins suisses.

Jean-Guy Python une partie de la team de Ribes Design.

Quand on lui jette l’ancre, il devient intarissable et se livre. Que ce soit à bâbord ou à tribord, impossible de le mener en bateau, Jean-Guy Python tient la barre et vous emmène là où il est si bien: sur le pont, en sortant la grand-voile. S’il apprécie aussi écrire, c’est surtout la photo qui lui a permis de s’évader depuis plus de trente ans sur les Océans, de taper toutes les eaux salées du monde entier.

Avec Ribes Design, on a bossé comme des fous pour déplacer des montagnes !

Jean-Guy Python, photographe

Des aventures, il en a vécu, le Jean-Guy, avec des anecdotes qu’il aime rappeler à ses nombreux amis bretons et d’autres qui ont le pied marin. Tous sont souvent prêts à naviguer à ses côtés. Comme s’il sortait d’une taverne, le voilà qu’il nous prend par la main pour nous raconter, via trois coauteurs, cette belle histoire, en 240 pages et 260 illustrations les exploits de ces «Suisses en mer» qui ont fait des houles du grand Sud leur terrain de jeu. «On s’est superbien marré pour sortir ce livre, mais avec Ribes Design, on a bossé comme des fous pour déplacer des montagnes!» s’exclame ce Valdo-Fribourgeois de 65 ans, qui s’est associé aux journalistes d’expérience Pierre Nusslé, Grégoire Surdez et Joël Cerutti pour magnifier avec bravoure ces 40es rugissants de 14 marins du Léman tout en y ajoutant du sel à ses aventures.

Que de belles rencontres pour ces passionnés de voile qui ont accouché, après quatre mois, ce magnifique pavé sur la mer. De Pierre Fehlmann à Alan Roura, en passant par Laurent Bourgnon, Dominique Wavre et Michèle Paret, la plume a volé entre les lignes, narrant également les traversées en couleur de Stève Ravussin, Bernard Stamm, Yvan Bourgnon, Yvan Ravussin, mais aussi celles de Dona Bertarelli, Justine Mettraux, Valentin Gautier, Simon Koster jusqu’à la Coupe de l’America victorieuse d’Ernesto Bertarelli et Alinghi. En tournant les pages, on se retrouve vite plongé dans ces belles aventures, à l’appel du large.

«Tout a commencé avec Pierre Fehlmann pour un vague entraînement en 1987 au sud de la France, se remémore Jean-Guy Python. Le Morgien, qui cherchait un équipage pour disputer la Whitbread avec Merit Cup, avait invité certaines personnes dont deux photographes…» Et voilà que sur ce Zodiac, malgré des conditions dantesques, il mord à l’hameçon. «Si on a failli chavirer avec notre matériel, on a sorti des illustrations extraordinaires.» Celui qui était envoyé par l’agence Keystone à l’époque venait d’être embarqué par l’Amiral pour trois tours du monde.

Les baleines et les dauphins nous accompagnaient pendant des heures.

Jean-Guy Python, photographe

«Comme mes parents n’avaient pas beaucoup d’argent, j’ai découvert la mer très tard. C’est Pierre Fehlmann qui m’a mis le pied à l’étrier et depuis, je ne peux plus m’en passer», poursuit Jean-Guy qui pourrait parler des heures de ces ambiances si uniques. Il a même battu un record du monde, en 1995, avec Merit Cup, qui figure toujours dans les tabelles. «Facile, se marre-t-il, cette course n’existe plus aujourd’hui. On avait remporté la Transatlantique entre les Canaries et la Barbade en neuf jours vingt heures et 51 minutes.» Cette année-là, le photographe de Bottens, qui avait de larges épaules, avait aussi été engagé comme wincheur et régleur de spi sur le bateau. «Les baleines et les dauphins nous accompagnaient pendant des heures», se souvient-il. Inoubliable.

Pour celui qui a couvert des Jeux olympiques, des Mondiaux de ski, des rencontres de Reagan et de Gorbatchev sans oublier la visite du pape Jean-Paul II en Suisse, d’autres reportages se sont enchaînés avec d’autres marins suisses. Et, forcément, au final, des dizaines de milliers de photos toutes aussi belles les unes que les autres qu’il développait, avant l’apparition du numérique, parfois dans les toilettes des hôtels avant de les envoyer aux rédactions. Mythique. Que d’anecdotes où entre le départ et l’arrivée des régates, il fallait courir et faire preuve d’ingéniosité pour couvrir tout l’événement. Comme cette expédition au Fastnet. Digne d’un aventurier.

«Pour un photographe de presse qui avait la trentaine, j’ai vécu des choses complètement folles mais je ne pensais pas réussir un truc fantastique. Je vivais juste le moment présent avec un bonheur indicible, pour raconter des histoires. C’était mon moteur, sans me dire que plus tard j’en ferai un livre…»

D’où l’idée dans un premier temps d’une exposition au Musée du Léman à Nyon avant qu’on le lui parle d’un bouquin qui retrace les exploits de tous ces Romands qui brillent sur les Océans.

Cette photo de Bernard Stamm à l’arrivée du Jules Verne à Brest, il l’adore…

«J’ai souvent eu la chance d’être au bon endroit au bon moment», renchérit Jean-Guy Python. Comme cette magnifique illustration de Bernard Stamm qui vient de remporter en 2017 «haut la main» le Trophée Jules Verne en 40 jours 23 heures 30 minutes et 30 secondes avec Francis Joyon et Idec. «J’étais dans le mythique goulet de Brest pour l’arrivée quand il a doublé le phare du petit minou. Après un mois et demi passé dans une mer démontée, Stamm était sur le podium avec cette gueule. Il n’était pas avec nous mais toujours là-bas sur son bateau. J’ai trouvé cette photo aussi forte que celle d’Alberto Korda et du Che. Je l’adore…»

Et Pierre Nusslé, à côté de lui, de prendre la vague: «Quand tu rencontres Alan Roura, t’as l’impression d’avoir vécu trois vies!» Ces marins ont tellement de choses à dire, c’est vrai. En attendant la seconde vague…

Suisses en Mer

Texte de Christian Maillard pour le 24 Heures.

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